L’aventurière qui repense les plantes vertes

Aurélie Deschaume

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Aurélie Deschaume

Décoratrice d’intérieur et Créatrice du concept "Le Végétal by MFT"

Je rencontre Aurélie Deschaume un matin ensoleillé, lors de son exposition photo au Bouscat. Autour de nous, des visages habités, ceux des Mentawai — un peuple autochtone de l’île de Sumatra — qui témoignent déjà d’un lien profond avec l’ailleurs, avec l’essentiel. Très vite, Aurélie me parle de ses multiples vies : une brillante carrière dans la mode, des expatriations aux quatre coins du monde, la création de projets mêlant décoration, végétal et photographie. Elle incarne aussi les paradoxes de nombreuses femmes de sa génération : celles qui ont connu l’adrénaline des grandes carrières, fait des choix forts — souvent au nom de l’amour, de la famille, de l’ailleurs — et qui doivent ensuite apprendre à vivre avec ces décisions. Sans les renier, mais avec cette lucidité douce-amère de celles qui savent ce qu’elles ont quitté autant que ce qu’elles ont gagné. Chez Aurélie, tout est mouvement : les voyages, les transitions, les élans. Et toujours, cette quête de vérité — dans les visages, les lieux, les rencontres. Elle me raconte son nouveau projet original « Le Végétal » par MFT, une façon de réconcilier les intérieurs avec la nature.

20 mai 2025 – Bordeaux

Si vous deviez vous résumer en cinq dates ?

1999 : J’ai 22 ans et je pars faire le tour du monde. À ce moment-là, je suis en stage chez Louis Vuitton, auprès de Marc Jacobs. Ils me proposent un poste à l’issue de mon année de césure, mais je décline : ce voyage, je tiens à le faire. Je pars finalement pour six mois, en remplaçant mon deuxième stage par cette expérience unique.

2006 : Je suis mariée depuis un an. Mon mari, médecin, a l’opportunité de partir faire son internat à Tahiti. C’était un projet que j’avais moi-même encouragé. De mon côté, je suis en poste dans le job de mes rêves, acheteuse couture. Le jour où il reçoit l’appel confirmant son affectation, je suis au défilé Jean Paul Gaultier. Je démissionne dans la foulée. Quelques semaines plus tard, nous partons.

2008–2013 : La naissance de mes enfants (ça compte pour une date, non ?)

  • 2008 : Naissance de mon fils Louis — nous vivons alors à Marseille.
  • 2010 : Nous partons en Guadeloupe, où naît ma fille Nina. Nous devions y rester deux ans, nous y passerons finalement sept ans.
  • 2013 : Naissance de mon troisième enfant, Henri, et création de Filentropique.

2017 : Nous nous installons à Bordeaux. Mon mari reprend un cabinet médical dans le Médoc.

2024 : Reprise des grands voyages, cette fois avec nos enfants. Nous partons trois mois en Asie — Japon, Malaisie, Indonésie… une nouvelle aventure familiale.

Vous avez fait votre première partie de carrière dans la mode?

J’ai fait une école de commerce, mais ma passion, c’était la mode. J’ai enchaîné plusieurs expériences chez de grandes maisons comme Cacharel ou Louis Vuitton, mais mon rêve, c’était de devenir acheteuse. En 2000, j’ai intégré l’Institut Français de la Mode. Je partageais mon 12m² à Montmartre avec une américaine puis une brésilienne pour m’aider à financer cette formation et à l’issue de l’école, j’ai décroché ce que je considérais comme le Graal : un poste d’acheteuse au Rayon Couture (Chez Franck et Fils, le grand magasin du 16e arrondissement de Paris).

J’étais en couple, mon mari faisait des études de médecine, et dès que l’on pouvait, on partait en voyage. J’avais aussi, en toile de fond, le désir de fonder une famille et de voir le monde autrement.
C’est moi qui ai poussé mon mari à envisager une expatriation. Lorsqu’il a eu l’opportunité de faire son internat à Tahiti, il m’a appelée alors que j’assistais à un défilé de Jean Paul Gaultier. J’ai littéralement bondi de joie.

Vous regrettez d’avoir renoncé à votre carrière dans la mode?

Oui… et non. Cela dépend des jours. Quand je prends du recul, la réponse est non. Ce qui compte pour moi, ce sont mes enfants, mon mari, ma famille, les voyages, les expériences de vie. Cet équilibre-là, je sais que je ne l’aurais jamais trouvé en continuant sur la voie que j’avais prise à l’époque.

Dans ces moments-là, je pense à ma carrière et à cette vie d’avant avec un peu de nostalgie. Mais ça ne dure jamais très longtemps.

Et la vie à Tahiti, alors?


Mais je me suis vite reprise. J’ai trouvé un poste très sympa sur place, au Sofitel de Papeete, et la vie a repris un rythme plus équilibré. Nous devions y rester plusieurs années, mais au bout d’un an à peine, mon mari a dû rentrer en métropole : les hôpitaux manquaient cruellement de personnel. Ça a été une vraie déception.

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Ensuite tu pars quelques années en Guadeloupe?


Oui, en 2010. Mon fils a deux ans, nous vivons à Marseille, et je suis enceinte de ma fille, qui naîtra là-bas. Cette fois, j’assume pleinement de ne pas travailler, de profiter de cette parenthèse pour m’occuper des enfants et vivre pleinement l’expérience de l’expatriation.
Nous devions rester deux ou trois ans… finalement, on y passe sept ans ! C’est là que je crée Filentropique : une façon d’allier mon expérience dans la mode, mon goût pour la décoration, et ce besoin de créer, de m’exprimer. Je lance une ligne de coussins, je deviens distributrice exclusive d’un drap de plage mexicain (Las Bayadas)… Je développe ce concept pendant quatre ans, avant qu’il soit temps, là encore, de rentrer en métropole.

Comment êtes-vous arrivés à Bordeaux?

Il était temps pour nous de rentrer, de revenir à une vie plus citadine. Une opportunité s’est présentée : un cabinet médical à reprendre dans le Médoc pour mon mari. Nous n’avions pas d’attaches particulières à Bordeaux, mais c’est une ville qui nous attirait. J’avais aimé vivre à Marseille, notamment pour la proximité avec la mer, mais j’avais envie d’océan Atlantique cette fois.
En arrivant, j’ai repris le concept de Maison Filentropique, tout en suivant une formation en décoration d’intérieur.


J’avais besoin de renouer avec la nature, avec le voyage, c’est ce qui m’a poussée à créer Le Végétal par MFT.

Quel est le concept de « Le Végétal » par MFT?


Aujourd’hui, je propose deux offres complémentaires :
• Pour les particuliers, une collection de plantes vivantes, dont les prix s’échelonnent de 25€ à 95 €, disponibles à la commande.
• Pour les professionnels, en y ajoutant le service, « Le Studio » par MFT, des aménagements végétaux pour les espaces de travail ou les lieux publics, avec une touche artistique : j’y intègre des expositions de photographies inspirées de mes voyages.

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Justement, parlez-nous de cette exposition photo sur le peuple Mentawai?


Lors d’un voyage de trois mois en Asie avec nos enfants — Japon, Indonésie, Sumatra — nous avons rencontré un jeune guide dont la femme est Mentawai.

J’avais surtout envie de leur transmettre ce goût de la découverte, cette curiosité que j’avais moi-même éprouvée lors de mon tour du monde à 20 ans.

Vous avez tiré de ce voyage des portraits d’hommes et de femmes très forts. Comment se sont passées ces rencontres?

Leur monde est fragile, menacé par la déforestation et la pression d’un modèle de société qui tente encore de les assimiler. Le gouvernement indonésien a longtemps voulu les faire rentrer dans le moule — les habiller, les sédentariser, leur imposer l’école — avant de comprendre qu’il y avait là une richesse culturelle à préserver, sans doute aussi sous la pression médiatique et internationale. Mais aujourd’hui, seuls quelques centaines de Mentawai vivent encore de manière traditionnelle.

Leur rôle est essentiel, mais leur nombre diminue.
J’ai voulu capturer dans mes portraits cette énergie silencieuse, cette beauté brute. Ce sont des visages habités, des regards ancrés dans un autre rapport au monde. Ils racontent un peuple, mais aussi un équilibre précieux entre l’homme et la nature.

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les recos d'Atypical

ses rubriques atypiques

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Une course poursuite avec un hélico dans un chai dans le médoc

Bordeaux en 2050

J’imagine que cela sera de plus en plus piétonnier, Bordeaux a été précurseur dans le côté enjeux environnementaux donc plus de place encore à la nature encore en 2050.

Missing in Bordeaux

Il manque du soleil, il y a trop de pluie ! Et puis de la fantaisie, c’est encore trop conventionnel Bordeaux, cela manque de chaleur humaine.

 

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