Mai 2024 – Bordeaux
Si vous deviez vous résumer en cinq dates ?
- 1990 – J’ai 11 ans. Ma mère m’emmène assister à « Dans la Jungle des villes » de Bertolt Brecht au Centre Dramatique Régional de Tours. C’est une véritable révélation : je découvre le spectacle vivant, qui me bouleverse profondément. À la même époque, je fréquente régulièrement le cinéma d’art et d’essai de la ville, avec mes parents. Ces premières émotions culturelles vont marquer durablement mon parcours.
- 1994 – J’entre au lycée en seconde, dans une section théâtre. C’est une chance inouïe : nous avons des professeurs passionnants, dont certains viennent directement du Centre Dramatique Régional. Nous allons voir des spectacles régulièrement, notamment à Paris, à la Cartoucherie et dans d’autres théâtres emblématiques.
- 1997 – Je réussis le concours d’entrée du Conservatoire de Bordeaux. Je n’ai jamais voulu être actrice, ce n’est pas ce qui m’attire, mais j’ai une vraie passion pour la scène, la mise en scène, la direction d’acteurs, le spectacle vivant dans son ensemble. Le conservatoire ne propose alors qu’un seul parcours. Je m’installe donc à Bordeaux.
- 1999 – Je poursuis avec une licence puis un Master Professionnel de Mise en Scène et Dramaturgie à l’université de Nanterre. Nous ne sommes que quinze dans la promotion. C’est une formation exigeante, exigeante, mais passionnante.
- 2014 – Je reviens m’installer à Bordeaux en famille.
Il est intéressant de voir à quel point votre formation revient dans vos dates clés. En quoi a-t-elle été déterminante dans votre parcours ?
Ce qui a marqué toutes ces années, c’est d’abord une véritable boulimie de spectacles et de films, une soif insatiable de découverte. J’ai été profondément marquée par cette ouverture à l’univers du spectacle vivant et du cinéma.
Mes parents étaient curieux, certes, mais ce n’était pas leur monde. La culture faisait partie de notre quotidien, mais sans lien direct avec la scène.
J’ai aussi un grand frère qui avait fait le choix d’intégrer l’école Louis-Lumière. Il y avait donc, malgré tout, une sensibilité artistique qui infusait dans notre famille.
Le Master à Nanterre a joué un rôle décisif. C’était une formation exigeante, accessible uniquement sur concours. Nous n’étions que quinze dans la promotion, venus des quatre coins du monde : un Mexicain, un Roumain, un Canadien… L’émulation intellectuelle et artistique y était incroyable. Nous étions entourés de metteurs en scène et de dramaturges de très haut niveau. Toutes les trois semaines, nous devions produire une mise en scène : le rythme était soutenu, mais extrêmement formateur.
Nous avons effectué des stages d’un mois dans des théâtres parisiens qui se sont succédé tout au long de notre formation, en parallèle à une formation théorique pointue, il fallait monter un spectacle de format 30 mn en un temps très court. Ce sont des expériences fondatrices, aussi exigeantes que passionnantes, qui m’ont donné une véritable colonne vertébrale artistique.
Pouvez-vous nous raconter comment vous êtes devenue directrice de casting ?
À la sortie de mon master, je me suis naturellement interrogée sur la spécialisation que je voulais prendre. C’est un dramaturge avec lequel nous avions travaillé qui m’a mis sur la voie : il m’a fait remarquer que tout ce que je produisais durant l’année gravitaient autour de la direction d’acteurs, que c’était là que je brillais vraiment, que je m’illuminai, selon ses mots. Ce regard extérieur m’a permis de mettre le doigt sur quelque chose que je n’avais pas encore pleinement conscientisé.
J’ai en parallèle de mes études travaillé dans les salles de cinéma MK2 sur Paris pour payer mon loyer et mes études. Cela m’a permis d’avoir une expérience professionnelle dans le secteur de la diffusion sur plusieurs années, pendant lesquelles j’ai pu acquérir des compétences diverses au contact des publics qui sont venues compléter ma formation. Cette complétude me sert toujours à l’heure actuelle à plusieurs niveaux. Il a été déterminant de lier mes études à une activité professionnelle dans le secteur du cinéma.
Il faut savoir qu’il n’existe pas, en France, de formation dédiée au métier de directeur de casting, contrairement aux États-Unis où ce rôle est bien plus reconnu et où des formations spécifiques, très complètes, sont proposées.
Je me suis donc lancée en travaillant d’abord sur deux films produits par la société de production de mon frère. J’ai ensuite travaillé avec de nombreuses sociétés de production françaises et étrangères sur des projets de courts, moyens et longs-métrages, séries, unitaires TV…

Vous travaillez principalement à Bordeaux et dans la région ? Y a-t-il beaucoup de directeurs de casting à Bordeaux ?
Oui, je travaille quasiment exclusivement dans le Sud-Ouest, Bordeaux, Landes, Dordogne, également Paris mais dans une moindre mesure. Il m’est arrivé de collaborer sur des projets ailleurs.
À Bordeaux, nous sommes quatre directeurs de casting. Chacun a ses affinités, ses méthodes, ce qui fait que nous ne travaillons pas nécessairement sur les mêmes projets ni avec les mêmes équipes. Cela dépend beaucoup des sensibilités artistiques et des réseaux de chacun.
Vous êtes actuellement sur le casting du film Les Misérables, qui va se tourner à Bordeaux cet été. Cela représente quel volume de travail ?
« Les Misérables » est un projet d’une ampleur exceptionnelle. Pour ma part, j’ai la charge, en collaboration avec deux assistant-es de 13 petits rôles, d’environ 30 silhouettes, et de 1600 figurants. Le film, dans sa globalité, compte près de 80 rôles à distribuer.
(Anne-Lise me montre alors treize piles distinctes, chacune avec les pages du scénario et les répliques surlignées au stabilo.)
Les rôles principaux sont castés à Paris par un autre directeur de casting. Il y a également une équipe spécialisée pour le casting des enfants, qui est un exercice à part entière — très spécifique et très encadré. Et justement, dans Les Misérables, il y a de nombreux rôles d’enfants, ce qui ajoute encore à la complexité du dispositif.
Comment votre rôle varie-t-il selon qu’il s’agisse d’un petit rôle, d’une silhouette ou d’un figurant ?
Un figurant n’a pas de réplique, il ne joue pas véritablement un rôle mais vient incarner une individualité dans ses déplacements et ses mouvements à l’image, et n’a pas nécessairement besoin d’expérience préalable. Ce qu’on attend de lui, c’est qu’il incarne une époque, une atmosphère, un certain type physique, qu’il représente à une société de l’époque.
Pour Les Misérables, par exemple, certaines scènes nécessitent près de 200 figurants. On a besoin de profils très variés : des bourgeoises, des révolutionnaires, des paysans, des bagnards, des policiers, des mendiants… Et il faut des physiques crédibles pour l’époque du début du XIXe siècle.
Un exemple tout simple : à cette époque, faire 1m90 était extrêmement rare. Un tel profil dans une foule du XIXe siècle paraîtrait anachronique. Pour incarner un bagnard, on va privilégier des visages marqués, une peau burinée, quelqu’un dont le corps raconte une histoire.
On élabore un important travail de composition à l’image de l’ensemble de la figuration, après un important traitement et de sélection des milliers de candidatures reçues. Je présélectionne toutes les candidatures intéressantes sur trombinoscopes avant de les soumettre à l’équipe mise en scène.
Une silhouette, c’est un personnage qui est davantage identifié à l’image, mais qui n’a que très peu ou pas de texte — généralement moins de cinq mots. C’est une présence récurrente, mais sans rôle actif. Dès qu’il y a un peu plus de texte ou un vrai jeu d’interprétation, on bascule dans ce qu’on appelle un petit rôle.
Comment se passent les castings pour ces petits rôles ?
En général, j’ai environ 20 minutes par acteur pour ces auditions. J’aime bien organiser les castings par binôme de candidats, chacun auditionnant pour des rôles différents. Cela me permet de les faire interagir, de voir comment ils se donnent la réplique. Ainsi en 40 minutes, cela me donne une meilleure idée de leur présence, de leur justesse, de la pertinence de leurs propositions, et surtout de leur capacité à jouer en collectif. Car un film, c’est avant tout un important travail de collaboration et de coordination en équipe.
Je commence toujours par les accueillir, je leur apporte des précisions sur le rôle, le contexte et la chronologie de la séquence, ce que le personnage doit incarner, les enjeux de la séquence… Je les filme pendant leurs essais. Entre chaque essai, je leur propose d’identifier les différents sous-textes possible afin de réorienter ou modifier leurs propositions.
Il est nécessaire de toujours revoir les vidéos à tête reposée : sur le moment, on peut passer à côté d’un détail, avoir une impression qui s’avère fausse à la relecture. C’est la possibilité de confirmer ou d’infirmer ce que j’ai observé pendant les essais.
Et de toute façon, toutes les vidéos sont ensuite envoyées au réalisateur — c’est lui qui a le dernier mot.
Vous n’envoyez qu’une sélection des candidats au réalisateur ?
Non, à partir du moment où une personne s’est déplacée, a appris son texte, s’est investie dans le casting, je considère qu’il est essentiel de transmettre sa vidéo. C’est une forme de respect, un minimum.
Je fais bien sûr une shortlist pour orienter le réalisateur, mais toutes les vidéos sont envoyées. Même celles des candidats qui, selon moi, ne correspondent pas tout à fait au rôle. On peut avoir des surprises, une interprétation différente peut séduire.
Existe-t-il des “cartons rouges” immédiats ?
J’observe rapidement si ce que propose l’acteur ne correspond pas à la recherche.
Un critère éliminatoire pour moi, ce serait le comportement. J’accorde de l’importance à la capacité à être en écoute et en dialogue entre collaborateurs. Une personne difficile, qui prend mal les indications, qui montre de la susceptibilité ou une incapacité à collaborer, c’est un signal fort.
Le cinéma est un travail d’équipe, et un réalisateur est souvent exigeant, il a des objectifs et des enjeux précis qu’il souhaite obtenir dans ses séquences. Il faut être capable de recevoir des indications, parfois très précises, sans se bloquer, d’être force de propositions et également de faire preuve de souplesse.
L’acteur doit être à même de construire sur une prise et de déconstruire sur la prise suivante si cela lui est demandé par le réalisateur. Il y a une vraie mise en dialogue qui doit avoir lieu entre l’acteur et le réalisateur, en cela il faut valider sur un film des acteurs qui acceptent d’être dans cette disponibilité. Également de défendre un point de vue ou une idée sur l’individualité qu’il incarne. Si je ressens dès le casting qu’il sera compliqué de travailler avec quelqu’un, alors oui, cela devient rédhibitoire.

Un film comme Les Misérables, c’est une véritable usine à gaz. Comment s’assure-t-on qu’aucun rôle n’est oublié, qu’aucun figurant ne manque à l’appel, que tout le monde est bien là, au bon endroit, au bon moment ?
(Anne-Lise me montre ses tableaux, fichiers Excel, fiches de scène, post-it colorés, et les images qui tapissent son mur.)
Effectivement, c’est une organisation ultra huilée. Il faut être rigoureuse, méthodique, et avoir une vision d’ensemble très claire.
Prenons un exemple concret : le 17 juillet, nous avons une scène de marché aux bœufs. Ce jour-là, il faut mobiliser 157 figurants.
Hier encore, j’étais à Paris en réunion avec le réalisateur, le directeur de production, et d’autres membres clés de l’équipe. On passe en revue, chaque jour, chaque scène dans le détail : qui, quoi, où, comment.
Le réalisateur, Frédéric Cavayé, est quelqu’un de très expérimenté. Il a tout en tête, il a imaginé chaque plan, chaque ambiance. Il nous dit très précisément ce qu’il visualise : pour cette scène du 17 juillet, il veut 12 bourgeoises, 6 bagnards, 15 marchands, 5 mendiants, etc.
Donc, de mon côté, j’ai une fiche par séquence et je sais exactement ce qu’il faut prévoir. Cela se répète pour toutes les journées du tournage. Séquence après séquence.
Et au-delà de l’aspect logistique, les enjeux financiers sont importants. Si on se rate, qu’il manque des gens ou que ça ne fonctionne pas, cela peut engendrer une journée de tournage supplémentaire… et donc des coûts énormes : techniciens, comédiens, décors, locations.
Comment s’organise tout cela en amont d’un film ?
Il y a de nombreuses étapes. Pour Les Misérables par exemple, je m’occupe des petits rôles, des silhouettes, et de toute la figuration adulte et enfant.
Dès la réception du scénario, j’évalue l’ampleur du projet : combien de de séquences de rôles, de silhouettes, figurants, de jours de tournage ? Est-ce que je vais avoir besoin d’assistants pour m’aider ? J’édite des tableaux de dépouillement et un planning prévisionnel de prépa, qui va déterminer combien de semaine de préparation j’ai besoin.
Une fois cette analyse faite, je lance très rapidement les annonces de casting.
Je cible aussi mes publications en fonction des besoins. Par exemple, pour une séquence où il fallait des figurants ayant des profils sportifs capables de grimper et descendre des barricades, on a diffusé l’annonce sur des réseaux ciblés qui nous permettent de mobiliser des personnes répondant à nos critères de recherche.
Pour les enfants, c’est la toute première chose que je traite, car les règles sont très strictes. Il faut l’accord préalable de l’autorité administrative, prouver que les conditions de sécurité sont réunies, que le rôle est adapté à l’âge de l’enfant, etc. Tout le dossier est validé par les autorités compétentes, ce qui prend du temps — et c’est une très bonne chose. Il est nécessaire d’accompagner les enfants dans l’application de leurs droits.
En parallèle, je traite les candidatures et sélectionne les acteurs et actrices à voir en casting. S’en suit tout un travail de planification, d’organisation des essais, de séquençage. Je réserve plusieurs jours au casting, où je rencontre et filme tous les acteurs et actrices présélectionnés. Une fois les castings terminés, il y a toute une phase administrative liée à l’emploi des silhouettes et des figurants dont j’ai la charge: les contrats, la gestion des dossiers, les convocations, les mailings d’informations… La production prend en charge les contrats des acteurs uniquement.
Ensuite vient le moment crucial des essayages costume. Sur un film d’époque comme Les Misérables, c’est une étape immense. On parle d’une semaine complète d’essayages, avec environ 150 figurants par jour.
De mon côté, nous avons un important travail de coordination je m’assure que tout le monde est bien là. Les costumiers, eux, associent chaque rôle à un costume, notent tout, ajustent.
Et une fois le tournage lancé, je suis présente chaque jour.
Que faites-vous concrètement pendant le tournage ?
Chaque soir, nous recevons une feuille de service. Elle détaille précisément le déroulé de la journée suivante : qui est convoqué, à quelle heure, où, pour quelle séquence, les lieux de restauration, les horaires de maquillage, de costume… Tout est cadré.
De mon côté, je dois m’assurer que tous les figurants, silhouettes et petits rôles sont bien présents, les orienter vers les bonnes équipes : coiffure, maquillage, costume.
Pour les figurants notamment, je prends toujours le temps de leur expliquer le contexte de la séquence que l’on tourne dans la journée, de leur donner des indications sur l’attitude à adopter, sur ce qui sera le comportement attendu, quelles sont leurs interactions, leur positionnement, leur rôle dans l’ambiance générale. Il est important de les mettre en confiance, surtout s’ils ne sont pas professionnels.
En fin de journée, on gère aussi les retours : démaquillage, costumes, et on prépare déjà le lendemain. Il faut également faire face aux imprévus : désistements de dernière minute, absences, problèmes logistiques, envois des contrats pour signatures… Il faut être très réactif.

Comment repérez-vous quelqu’un qui « a quelque chose », même s’il n’a jamais joué ? Est-ce un mythe ou cela existe vraiment ?
Cela peut arriver, et c’est ce que l’on essaie d’identifier dans le cadre du casting sauvage.
Au sujet des enfants : certains ont une espèce d’instinct très pur, une présence évidente, une justesse bouleversante, sans jamais avoir pris un seul cours. C’est impressionnant à voir. Et cela peut arriver aussi chez les adultes.
Il faut néanmoins comme tout métier, considérer qu’une solide formation liée à des expériences professionnelles sont nécessaires pour développer des compétences multiples et précises d’acteur-trice, de développer des techniques, des outils et une palette émotionnelle riche.
C’est par le bais de la formation et de l’expérience que le jeu de l’acteur s’affine, se sculpte, et devient subtile, en collaboration avec ses collaborateurs de jeu, en parcourant des univers artistiques divers, en collaborant avec des réalisateurs multiples, en devant incarner une multitude d’individualités et en sachant identifier et créer les différents évènements émotionnels d’une séquence.
Je crois que les acteurs compétents sont avant tout des êtres profondément empathiques. Cette capacité à ressentir, à comprendre les émotions des autres, à s’y connecter rapidement sans jamais juger…
Comment êtes-vous rémunérée pour votre travail de casting ? Est-ce au temps passé, au nombre de profils, ou sous forme de forfait ?
Je suis engagée sous contrat à durée déterminé, sous le statut « intermittent technicien cinéma annexe 8 », avec la dénomination officielle de « première assistante à la distribution des rôles et chargée de figuration ». Le milieu du cinéma est très encadré : il existe des conventions collectives précises, avec des grilles tarifaires selon les postes.
Chaque tournage comprend de nombreux postes différents – production, mise en scène, régie, maquillage, costumes, effets spéciaux – et chacun de ces postes possède une hiérarchie (chef de poste, assistant, etc.) assortie de niveaux de rémunération définis.
Dans le cas des Misérables, par exemple, j’ai un contrat avec un nombre de semaines défini : une période de préparation, puis une présence sur le tournage.
Pendant la préparation, mon contrat est basé sur une durée hebdomadaire de 39 heures. Mais en réalité, les charges de travail dépassent souvent ce cadre. Dans ce cas, on discute avec la production pour adapter le contrat, prolonger le nombre de jours si nécessaire.
Quand vous rencontrez des acteurs ou des candidats, comment veillez-vous à rester dans un cadre strictement professionnel, sans tomber dans un rapport de séduction ou de familiarité ? Autrement dit, comment gérez-vous la question éthique dans ce métier ?
C’est une vraie question. Et justement, pour éviter tout dérapage, je reste extrêmement professionnelle et formelle.
Je vouvoie toujours les candidats, je ne pose jamais de questions personnelles, je ne cherche pas à créer de lien amical ou complice. On parle du rôle, du travail, de ce que j’attends de la séquence. C’est tout.
J’ai même ressenti, il y a quelques années, le besoin de formaliser cette posture. J’ai récemment rédigé une charte éthique*. Car à mes débuts, certaines pratiques que je trouvais intolérables étaient encore répandues.
Heureusement, les choses évoluent. On ne tolère plus les comportements déplacés. Certains directeurs ou directrices de casting ont peut-être gardé leurs mauvaises habitudes, mais aujourd’hui ils ne peuvent plus se permettre les mêmes débordements, ou en tout cas pas au vu et au su de tous.
Je suis convaincue que c’est en restant rigoureusement dans un cadre professionnel et formel qu’on évite les dérives et dans un respect inéluctable.
Vous avez également travaillé sur le film Chopin, tourné récemment à Bordeaux. Était-ce aussi un projet d’envergure ?
Oui, tout à fait. « Chopin » a nécessité une organisation très dense, avec environ 2200 contrats au total, dont un pool de 800 figurants récurrents que l’on retrouvait dans plusieurs séquences. Ce genre de configuration offre beaucoup de bénéfices et crée une ambiance particulière : les figurants prennent une place plus active dans l’équipe, ils s’impliquent davantage, c’est plus stimulant pour tout le monde.
Le film avait aussi une particularité : il était réalisé par un réalisateur polonais, avec une grande partie de l’équipe technique venue de Pologne. Cela impliquait que toutes les communications se faisaient en anglais, ce qui a ajouté un défi supplémentaire. C’était passionnant ! Nous avons vécu un état de grâce sur ce tournage, ce fut un très beau tournage, empreint d’exigence, de respect, de tendresse et de passion commune pour la mise en scène.
On observe qu’il y a de plus en plus de tournages à Bordeaux. Comment l’expliquez-vous ?
Il y a plusieurs facteurs.
Depuis la crise du Covid, les tournages à Paris sont devenus plus compliqués. La mairie y a mis en place des règles plus strictes, il y a eu les Jeux Olympiques, ce qui a rendu les autorisations plus rares et les conditions plus lourdes.
À l’inverse, Bordeaux a su saisir l’opportunité. La mairie a compris l’intérêt d’attirer les tournages, les autorisations sont plus faciles à obtenir, les services municipaux sont réactifs et les productions s’en rendent compte.
En plus, les équipes locales sont très compétentes. Et puis Bordeaux a cette richesse architecturale, avec certains quartiers restés très authentiques, parfaits pour des films d’époque. C’est une vraie carte à jouer pour la ville.
Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un qui rêve de faire du cinéma ?
Je dirais : soyez attentif aux annonces de casting, postulez, tentez votre chance. Mais surtout : formez-vous. C’est indispensable.
On ne peut pas espérer réussir simplement avec de l’intuition ou du charisme. Le jeu, ça se travaille. La technique, ça s’apprend. Heureusement, il existe de très bonnes écoles dans la région.
Il ne faut pas avoir peur d’apprendre, de se remettre en question, il faut travailler.