04 février 2025 – Bordeaux
Parcours personnel
Si vous deviez vous résumer en cinq dates ?
- 12/03/2011 – 01/05/2013 – 19/03/2019 : Naissance de mes enfants
- 09/05/2019 : Mariage
- 12/07/1998 : Victoire de la France en coupe du monde de Foot
Comment un jeune cool et sympa, passionné de football, devient-il avocat fiscaliste ?
Je ne vois pas vraiment de paradoxe ! En tant qu’étudiant, je n’avais pas les moyens de passer directement le concours d’avocat après mes études. J’ai donc commencé à travailler comme juriste en entreprise. C’est là que j’ai constaté que les dossiers les plus intéressants étaient toujours confiés aux avocats. Mon envie d’exercer ce métier est née de cette observation.
J’ai ensuite intégré un grand cabinet de conseil à Paris, tout en négociant la possibilité de passer mon diplôme d’avocat en parallèle. Très vite, j’ai été attiré par le droit fiscal, l’une des disciplines les plus complexes et techniques du droit, aux côtés du droit du travail. Puis, en fondant mon propre cabinet, je me suis naturellement orienté vers le contentieux, qui offre souvent les dossiers les plus « rock’n’roll ». De la même façon, j’ai développé une expertise complémentaire dans les formalités d’impatriation et d’expatriation.
Y a-t-il plus de contrôles fiscaux aujourd’hui qu’auparavant ?
Oui, sans aucun doute.
L’administration fiscale a recruté massivement, avec près de 1 500 contrôleurs supplémentaires. En 2023, il y a eu 995 000 contrôles fiscaux liés à l’impôt sur le revenu, soit une augmentation de 52 % par rapport à l’année précédente.
L’intelligence artificielle a aussi profondément modifié ces contrôles. Une grande partie d’entre eux sont désormais initiés par l’IA, en complément des traditionnelles dénonciations d’un voisin et autre!
1500 contrôleurs supplémentaires ? Comment sont-ils formés aussi rapidement ?
C’est effectivement une question cruciale. Cela rend notre travail d’autant plus difficile, car il est essentiel de vérifier scrupuleusement les demandes et décisions de l’administration fiscale.

Quels sont les « red flags » qui peuvent déclencher un redressement fiscal ?
Les principales alertes concernent les incohérences entre différentes déclarations. Toute déclaration effectuée auprès d’un organisme officiel est susceptible d’être recoupée, ce qui impose une grande vigilance.
Les réseaux sociaux sont maintenant scrutés : un train de vie en décalage avec les revenus déclarés peut éveiller les soupçons. De plus, toute anomalie statistique peut attirer l’attention.
Pour les entreprises, une domiciliation suspecte ou incohérente est un signal d’alerte majeur.
Des innocents peuvent-ils se retrouver en redressement fiscal ?
Le Code général des impôts est l’un des textes juridiques les plus complexes, laissant une large place à l’interprétation. Par conséquent, le risque d’erreur est élevé : une simple mauvaise compréhension d’une règle appliquée à une situation donnée peut conduire à un redressement.
Il faut imaginer la solitude d’un particulier face à un redressement fiscal. L’administration dispose de moyens considérables et se retrouver seul face à elle peut être déconcertant. Le rôle de l’avocat est justement de rééquilibrer les forces.
Quels sont les risques concrets en cas de fraude fiscale ?
En France, la procédure fiscale suit une véritable escalade. Tout commence par un contrôle. S’il révèle une erreur ou une fraude, un redressement est appliqué. Les sanctions sont relativement progressives comparées à d’autres pays comme l’Espagne ou l’Italie :
• Une pénalité de 10 % en cas de simple défaut de paiement,
• 40 % si l’administration estime qu’il y a eu une intention délibérée d’échapper à l’impôt,
• 80 % si une organisation frauduleuse a été mise en place,
• Jusqu’à 100 % en cas de provocation manifeste à l’égard de l’administration.
En parallèle, certaines fraudes peuvent également donner lieu à des poursuites pénales.
Peut-on vraiment aller en prison pour fraude fiscale ?
Après l’abandon du dispositif appelé le « verrou de Bercy », qui encadrait la poursuite pénale des infractions financières, désormais, tous les dossiers présentant certains critères sont déposés sur le bureau du Procureur de la République.
En pratique, le procureur peut solliciter l’avis de l’administration fiscale avant de décider d’engager des poursuites. Si le contribuable a reconnu son erreur et mis en place un échéancier de paiement, il peut échapper à ces poursuites.
En cas de poursuite pénale, il est possible d’être condamné à une peine de prison.
En pratique c’est plutôt une peine avec sursis qui est décidée.
Le but est également d’obtenir que le contribuable soit condamné personnellement pour un défaut de son entreprise qui pourrait être mise en liquidation.
Est-il normal que les exigences soient plus strictes pour les responsables politiques ?
A mon avis oui.
Je crois au devoir d’exemplarité. La question du consentement à l’impôt est essentielle en France, un principe qui remonte à la Révolution française en opposition aux taxations arbitraires de l’Ancien Régime. La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen stipule qu’aucun impôt ne peut être levé sans l’accord des citoyens, d’où le vote annuel de la loi de finances.
Si ceux qui établissent les règles ne les respectent pas, la faute est plus grave, et il est logique que les sanctions soient renforcées.
Le but de la peine de prison est de protéger la société. Ils la mettent en danger avec ce comportement selon moi.
Y a-t-il un profil type du fraudeur fiscal ?
Non, car la complexité du Code des impôts expose tout le monde à des erreurs.
Toutefois, lorsqu’une situation s’envenime au point de devenir un contentieux pénal, certains traits communs émergent. On retrouve ceux pour qui le principe même de l’impôt est contestable et qui refusent tout compromis.
Certains clients, malgré nos réunions préparatoires, arrivent à l’entretien avec l’administration fiscale et se montrent provocateurs, ce qui est le pire scénario. Celui qui se met à hurler devant les agents de Bercy « C’est moi qui vous paie avec mes impôts ! » démarre très mal la discussion…

La frontière entre optimisation fiscale et fraude fiscale est-elle claire ?
Un de mes professeurs de droit disait : « Entre deux solutions, vous avez le droit de ne pas choisir la plus chère. » C’est l’optimisation fiscale.
En revanche, si l’on met en place un montage destiné à masquer la réalité afin d’échapper à l’impôt, on bascule dans la fraude. Dès qu’un document ne reflète plus fidèlement la situation économique réelle, il y a un problème.
Cela dit, la frontière a longtemps été plus floue. De nombreux contribuables se sont laissés séduire par des montages fiscaux agressifs proposés par des conseillers peu scrupuleux. Ces dernières années, la législation s’est durcie, y compris contre les intermédiaires facilitant l’évasion fiscale.
En tant qu’avocat, il m’arrive de recevoir des clients qui me présentent un schéma qui pourrait être considéré comme frauduleux en me disant « Voilà ce que vous allez faire ». Dans ces cas-là, mon rôle est de refuser et de les avertir des risques encourus.
Où en est-on avec les comptes en Suisse et les paradis fiscaux ?
La circulaire Cazeneuve de 2013 a marqué un tournant. Elle a permis aux contribuables possédant des comptes non déclarés à l’étranger de régulariser leur situation sans poursuites pénales, à condition de s’acquitter des pénalités.
Cette initiative a connu un immense succès : entre 2013 et 2017, 7,8 milliards d’euros ont été récupérés par l’État français. Beaucoup de contribuables étaient coincés dans des situations héritées du passé, à une époque où ces pratiques étaient plus courantes.
Aujourd’hui, l’évasion fiscale est beaucoup plus compliquée. La coopération entre États s’est considérablement renforcée, rendant la dissimulation de fonds plus risquée.
Quels sont les plus gros redressements : particuliers ou entreprises ?
Ce n’est pas comparable.
Les redressements d’entreprises atteignent des montants bien plus élevés, par exemple en matière de prix de transfert. Il s’agit de la valorisation des biens ou services échangés entre sociétés d’un même groupe situés dans des pays différents, pour un prix parfois sous-évalué ou surévalué ce qui peut limiter l’impôt en France.
L’administration fiscale peut alors requalifier ces transactions et appliquer un redressement sur des montants très élevés.
Certaines administrations fiscales étrangères adoptent une approche plus coopérative. A l’étranger, il peut être courant de consulter l’administration en amont pour éviter tout malentendu. En France, la culture est différente, mais cela évolue. Il existe un dispositif « le rescrit fiscal », qui permet d’obtenir une position officielle de l’administration avant d’agir. Je l’utilise parfois mais ce n’est pas la norme.
Un dernier mot sur les Girondins de Bordeaux ? Quel est ton état d’esprit aujourd’hui ?
Je suis abonné depuis 2010, et je n’ai même pas hésité à renouveler cette année. Je continue d’aller au stade, même si, honnêtement, je regarde un peu moins de football qu’avant. Ça me laisse plus de temps pour suivre la NBA ou d’autres sports ! l’UBB aussi je regarde plus qu’avant, je vais les voir au stade Chaban.
J’ai commencé à suivre les Girondins en 1997, à mon arrivée à Bordeaux depuis Lille. À l’époque, le club vivait une belle période, avec le titre de champion de France en 1999, avec ce fameux match à la 22ème journée et les quatre buts en 30 minutes contre l’OM ! Et puis en 2009, je me souviens encore des 90 000 personnes aux Quinconces pour fêter le sacre…
Aujourd’hui, la route semble longue, mais il y a encore beaucoup de jeunes supporters au stade. J’aime me dire qu’ils seront témoins de la remontée, et que ce sera encore plus beau quand on y arrivera !