Dans un monde professionnel en pleine transformation, marqué par une volonté croissante de diversité et d’inclusion, une question commence à émerger discrètement, mais de manière insistante : l’homme blanc, autrefois perçu comme archétype du pouvoir en entreprise, est-il en train de perdre son privilège ?
Longtemps perçus comme les figures dominantes du monde professionnel, beaucoup d’hommes blancs se retrouvent aujourd’hui confrontés à un nouveau paradigme. Les entreprises mettent désormais en avant les femmes, les personnes issues de minorités et d’autres groupes historiquement sous-représentés. Si cette évolution est saluée comme un progrès, elle génère aussi une forme de « blues » chez certains hommes blancs, qui ont le sentiment d’être écartés des promotions ou des opportunités en raison de leur profil considéré comme « standard ».
Elon Musk et Donald Trump, anti-woke farouches ont dénoncé la nouvelle discrimination envers les hommes blancs et Zuckerberg en bon soldat a annoncé vouloir mettre fin au politique d’inclusion chez Meta, et réaffirmé le désir de voir plus d’ «énergie masculine».
Selon l’observatoire Skema de la féminisation des entreprises*, les femmes occupent 6,25% des 80 postes de Président et/ou Directeur Général des entreprises du CAC40. Ce chiffre toutefois était de 3.75% en 2022 et 2.5% en 2021 donc une nette amélioration.
De même selon l’étude, afin de s’aligner avec la loi Rixain qui impose un minimum de 30% de femmes dans les comex en 2026 (40% en 2029), les entreprises françaises du CAC 40 ont fait beaucoup d’efforts.
En 2023, 5 entreprises, ont au moins 40% de femmes au comex (Vivendi, Orange, Schneider Electric, CreditAgricole et Engie) et 11 autres en ont entre 30 et 40% (BNPParibas, Dassault Systèmes, Hermès, Kering, Legrand, L’Oréal, Michelin, Pernod Ricard, Plastic Omnium, Saint Gobain et Société Générale). En 2021, seules 8 entreprises avaient au moins 30% de femmes au Comex.
Le résultat final en termes de parité hommes/femmes dans les postes à responsabilité parait toujours insuffisant, toutefois en partant d’une inégalité totale il y a encore 40 ans, les efforts mis en place par les entreprises sont considérables et on peut donc imaginer les conséquences pour les promotions des cadres dirigeants hommes.
L’Observatoire Skema de la féminisation des entreprises indique en effet dans son étude « un plafond de verre au détriment des hommes: dans certaines entreprises les femmes sont surreprésentées au Comex par rapport à la population Cadre.. Chez Orange par exemple, 50% de femmes au Comex et seulement 31,8% dans la population de Cadres.
Nous avons enquêté auprès des recruteurs de la région afin de comprendre où se situe la vérité à Bordeaux et si l’homme blanc a vraiment du souci à se faire.
Il est important de préciser que, les statistiques ethniques étant interdites en France, il est impossible d’obtenir des données sur les biais ou les évolutions des recrutements en fonction de l’origine. Contrairement aux États-Unis, où la notion de « minorités » est largement analysée, en France, les seuls critères mesurables restent l’âge et le sexe.
Sabrina Ribeiro, directrice de la diversité et de l’inclusion du groupe Cnova (dont fait partie Cdiscount), emploie près de 3 000 personnes à Bordeaux. Elle est en poste depuis 10 ans et observe une difficulté persistante : recruter des femmes dans le secteur de la Tech.
« Dès la formation, un biais s’installe : les écoles d’ingénieurs et d’informatique comptent encore très peu de femmes. Cela limite fortement nos possibilités de recrutement. »
Pour pallier ce problème, le groupe Cdiscount a mis en place des initiatives de sensibilisation, de mentoring et de formation pour attirer davantage de femmes vers ces carrières. Fin 2024, l’entreprise comptait 46 % de femmes dans ses effectifs, y compris chez les cadres.
Cependant, un chiffre interpelle : 83 % des promotions de cadres concernent des femmes.
Qu’en est-il des hommes ?
« Il s’agit d’un rééquilibrage après des années de déséquilibre. »
Grâce à sa politique d’égalité des chances, le groupe Cdiscount affiche un écart salarial de seulement 0,4 %, contre environ 16 % en moyenne en France.
Mais ces démarches suscitent-elles des tensions internes ?
« Nous avons eu quelques remarques au début mais cela était minoritaire. Beaucoup d’hommes sont d’ailleurs enthousiastes et se portent volontaires pour accompagner ces projets, notamment de mentorat. Nous sommes vigilants à travers des formations et des actions de sensibilisation pour déconstruire les biais et prévenir le harcèlement ou les préjugés. »
Le mot de la fin
Après des siècles de suprématie masculine blanche dans les comités de direction, un rééquilibrage est en cours. Si cette transformation représente une véritable opportunité pour les femmes, elle impose également aux hommes de repenser leur trajectoire professionnelle et pose sans doute quelques difficultés. Certaines promotions, autrefois quasi automatiques, nécessiteront une adaptation. La progression de carrière ne passera pas toujours par des promotions verticales, mais aussi par des changements de poste ou des évolutions vers des rôles plus transversaux.
*L’étude est basée sur les données des rapports annuels publiés en 2023 par les 40 entreprises du CAC40 Chiffres au 1erjanvier 2023 : https://www.skema.edu/fr/observatoire-de-la-feminisation