20 mars 2025 – Bordeaux
Si vous deviez vous résumer en cinq dates ?
Cinq dates me viennent naturellement à l’esprit :
- Le 17 janvier 1975, date de ma naissance (et celle de mon jumeau) au Mexique, où mes parents étaient expatriés.
- Le 18 septembre 2004, jour de mon mariage.
- Le 12 juin 2005 et le 30 mai 2008, les naissances de mes enfants, qui comptent parmi les moments les plus forts de ma vie.
- Enfin, 1942, l’année de naissance de mon père — une figure essentielle pour moi. (Jean-Stéphane m’indique que depuis notre interview, son papa est décédé d’une longue maladie)
La famille est ce que j’ai de plus précieux. On dit souvent « happy family, happy life », et je crois profondément à cela. Être heureux dans sa vie personnelle est, à mes yeux, une condition essentielle pour réussir pleinement dans sa vie professionnelle.
Êtes-vous Bordelais d’origine ?
Oui et non. Je suis né au Mexique, où mes parents étaient expatriés, mais nous sommes rentrés en France peu après ma naissance. Cela dit, cette ouverture à l’international est restée : j’ai toujours été attiré par les langues et les cultures étrangères — je parle d’ailleurs plusieurs langues. J’ai grandi à 500 m du Château Pape Clément.
En revanche, mon parcours est très ancré localement. J’ai fait un Bac+2 à l’IUT de Bordeaux, où j’ai ensuite travaillé comme responsable communication. C’est à ce moment-là que j’ai appris à structurer un message, à convaincre, à vendre des idées. J’ai ensuite évolué dans différents projets liés au sport, et ce sont souvent les rencontres humaines qui ont guidé mes choix professionnels.
Avant de rejoindre Cadus, étiez-vous déjà dans le monde du vin ?
Pas directement. J’ai eu un parcours assez varié avec différents métiers durant lesquels j’ai accumulé des expériences et compétences. J’ai commencé dans le domaine du sport, notamment dans les partenariats et le marketing événementiel. Puis je me suis orienté vers le marketing et la communication au sens large. Juste avant la crise du Covid, j’étais directeur du développement de Congrès et Expositions de Bordeaux.
C’était une période très riche, où j’ai eu la chance de travailler sur des événements très divers comme le Jumping de Bordeaux, la Foire Internationale, ou encore Vinitech. Cela m’a permis de tisser des liens avec l’ensemble du tissu économique bordelais et celui du vin.
Et puis le Covid est arrivé. Cette période de pause forcée a été l’occasion de prendre du recul, de réfléchir à mes envies, à ma trajectoire. Je ne me voyais plus faire un job pour lequel je n’avais plus de convictions. Alors, je suis parti…
Peu de temps après, j’ai rejoint la tonnellerie Cadus.
Cadus : le savoir-faire tonnellier français
Comment devient-on directeur commercial dans une tonnellerie ?
C’est avant tout une histoire de rencontre, avec un homme à qui je dois beaucoup, Antoine de Thoury qui dirigeait Cadus, et cherchait quelqu’un pour développer la tonnellerie, notamment à l’international.
Je parlais plusieurs langues, j’avais une bonne connaissance du monde du vin, et le coup de cœur a été immédiat.
J’ai découvert une entreprise en phase avec mes valeurs : humaine, bienveillante, profondément attachée à son territoire, aux traditions, et au travail bien fait.
J’ai tout de suite eu envie de m’investir dans cette aventure.
Le nouveau PDG Benjamin Le Berre partage de très nombreuses valeurs avec moi et j’ai la chance que nous soyons complémentaires.
Comment fabrique-t-on concrètement un tonneau ?
C’est un métier d’artisan, au sens noble du terme. Tout commence par une sélection rigoureuse du bois — exclusivement du chêne français — que l’on laisse sécher à l’air libre pendant plusieurs années. Vient ensuite la fabrication avec toutes ses étapes, sans colle ni vis, uniquement par cintrage et feuillage. Le fond est ajusté au millimètre près, les cercles de maintien sont posés, puis vient l’étape clé : la chauffe. C’est elle qui va, entre autres choix techniques, façonner la signature aromatique du fût.
Le véritable défi réside dans la répétabilité du processus. Le bois, le grain, la chauffe : tous ces éléments doivent être parfaitement maîtrisés pour offrir une constance irréprochable à nos clients, qui recherchent une précision millimétrée.

On pourrait parler d’un travail d’orfèvre, non ?
Complètement.
Je suis profondément admiratif de nos artisans. Travailler avec des personnes aussi talentueuses et passionnées est une vraie chance. Ils possèdent un savoir-faire rare, presque magique.
Et c’est la même chose côté clients. Le monde du vin traverse des défis majeurs — la consommation baisse, la concurrence augmente — mais il continue d’avancer, d’innover, de se réinventer sans jamais perdre ses racines.
Les vignerons travaillent généralement avec cinq ou six tonneliers pour composer leur « blend » final , et atteindre l’équilibre aromatique qu’ils recherchent. C’est une alchimie très fine, quasi artistique, dans laquelle les œnologues jouent un rôle central. Et nous, en tant que tonneliers, sommes fiers d’être l’un des maillons essentiels de cette chaîne de création.
À qui vendez-vous ces tonneaux ?
Nos clients sont principalement des domaines viticoles haut de gamme, répartis dans le monde entier. Aujourd’hui, nous travaillons avec des propriétés dans 22 pays. En Europe, nos principaux marchés sont la France, l’Italie et l’Espagne. Nous sommes également très présents aux États-Unis — où nous avons d’ailleurs ouvert un bureau — ainsi qu’en Amérique du Sud, Australie, Nouvelle-Zélande et en Afrique du Sud.
Notre cœur de métier reste le vin, même si nous avons récemment commencé à nous impliquer le marché des spiritueux ( le Cognac en particulier). Cela dit, c’est encore un univers très spécifique, avec ses propres codes.
Nos clients recherchent avant tout la précision, la régularité dans le profil aromatique des fûts, et un véritable dialogue avec leurs fournisseurs. Être à l’écoute de leurs attentes et proposer des solutions personnalisées est au cœur de notre démarche.
Justement, que recherchent les clients qui optent pour des tonneaux haut de gamme ou sur mesure ?
Ces maisons ont des exigences très pointues. Certaines souhaitent une chauffe très douce pour préserver le fruit, d’autres recherchent une aération lente pour accompagner une longue vinification. Le sur-mesure permet d’adapter le fût au style exact du vin, à sa structure, à son potentiel de garde. Notre métier nous fait rentrer dans l’intimité de chaque vin, de chaque winemaker, c’est exaltant. Nous n’avons pas droit à l’erreur : une barrique représente 300 bouteilles.
L’équation pour résoudre une demande d’un client est parfois longue et complexe. Mon métier est d’y répondre. Son vin est unique, la prunelle de ses yeux et nous mesurons chaque jour notre responsabilité.
Il y a aussi une dimension esthétique. Pour une cuvée spéciale ou un grand cru, les finitions jouent un rôle important : gravures personnalisées, cerclages particuliers, finitions soignées… Cela participe à l’image du domaine et à la valorisation du produit.

Il existe beaucoup de tonnelleries en France ?
Environ 70 tonnelleries sont actives en France, dont une quinzaine dans la région de Bordeaux. C’est un secteur certes concurrentiel, mais très sain. Il y a une forme de respect entre maisons. Nous sommes tous animés par le même amour du métier, du bois et du vin, et la concurrence se fait davantage sur la qualité, la précision et la relation client que sur une logique d’affrontement. Il y a un « gentleman agreement » entre nous.
Les droits de douane imposés par Donald Trump vont-ils avoir un impact ?
Oui, un impact direct et fort. Toute la filière viticole, à Bordeaux comme ailleurs, est dans une posture d’observation, mais aussi de réflexion : comment continuer à avancer malgré ces incertitudes ? Comment se réinventer ? Comment trouver de nouveaux débouchés ?
Ce qui me frappe, c’est la capacité de résilience des acteurs de ce secteur. Beaucoup défendent des héritages familiaux, des traditions de plusieurs générations, et se battent avec une énergie admirable pour préserver et faire vivre leur passion quand d’autres démarrent depuis quelques années la production de vin et ont besoin de se faire connaitre.
Le contexte international peut évoluer très vite, et nous devons rester vigilants. Chaque pays a sa propre économie, ses propres conjonctures politiques, sociales, culturelles et nous devons composer avec chacun des paramètres.
Engagement local : Cadus et le Stade Bordelais Rugby
Pourquoi avoir choisi de vous associer au Stade Bordelais Rugby ?
Parce que c’est un club qui nous ressemble : profondément enraciné dans son territoire, exigeant, mais aussi très humain. Le rugby porte des valeurs que nous partageons chez Cadus : l’esprit d’équipe, la rigueur, la transmission, le respect de la tradition.
Et puis, c’est aussi un clin d’œil personnel : j’ai toujours eu une affection particulière pour ce sport et mes enfants ont joué au Stade Bordelais !!
Et concrètement, qu’en retire Cadus ?
Ce partenariat est avant tout une source de fierté : celle de soutenir un club local, de contribuer à faire vivre un écosystème auquel nous croyons. Nous ne sommes pas philanthropes et le réseautage est aussi un exercice inhérent à notre métier, surtout à Bordeaux ! Mon métier est de vendre des barriques !
C’est aussi une façon de faire rayonner notre savoir-faire différemment. Beaucoup de nos clients sont eux-mêmes impliqués dans le monde du rugby, parfois même dans ce club. Et puis, dans nombre des pays avec lesquels nous travaillons — Chili, Argentine, Afrique du Sud — le rugby est un sport national. Cela crée un lien culturel fort, presque instinctif. Dans chaque pays où il y a du vin il y a souvent une Terre de Rugby.