L’exportateur de tonneaux

Jean-Stéphane Cantero

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Jean-Stéphane Cantero

Directeur commercial export - Tonnellerie Cadus

Je retrouve Jean-Stéphane Cantero autour d’un petit déjeuner au Bouscat. Nous nous étions rencontrés quelques jours plus tôt lors d’une soirée organisée conjointement par le Stade Bordelais et la tonnellerie Cadus, dont il est le directeur commercial export. Cet événement, sponsorisé par Cadus, a rassemblé des passionnés de vin et de rugby : les clients de la tonnellerie avaient généreusement offert des magnums pour soutenir financièrement le club. Ce soir-là, Laurent Marti avait souligné l’importance de ces clubs formateurs dans la région, véritables viviers de talents pour des équipes comme l’Union Bordeaux Bègles. Jean-Stéphane me parle avec passion de la tonnellerie Cadus, dont la maison mère est située en Bourgogne. Cadus fournit barriques et tonneaux aux grands noms du vignoble bordelais, bourguignons et partout en France mais aussi à de nombreux domaines à l’international (22 pays). Il évoque avec enthousiasme la tradition, les gestes ancestraux, les compagnons tonneliers, les senteurs de bois chauffé et les voyages que ce métier lui permet de faire. Une rencontre inspirante, dans un univers aussi technique qu’empreint de poésie, que je découvre avec curiosité.

20 mars 2025 – Bordeaux

Si vous deviez vous résumer en cinq dates ?

Cinq dates me viennent naturellement à l’esprit :

  • Le 17 janvier 1975, date de ma naissance (et celle de mon jumeau) au Mexique, où mes parents étaient expatriés.
  • Le 18 septembre 2004, jour de mon mariage.
  • Le 12 juin 2005 et le 30 mai 2008, les naissances de mes enfants, qui comptent parmi les moments les plus forts de ma vie.
  • Enfin, 1942, l’année de naissance de mon père — une figure essentielle pour moi. (Jean-Stéphane m’indique que depuis notre interview, son papa est décédé d’une longue maladie)

La famille est ce que j’ai de plus précieux. On dit souvent « happy family, happy life », et je crois profondément à cela. Être heureux dans sa vie personnelle est, à mes yeux, une condition essentielle pour réussir pleinement dans sa vie professionnelle.

Êtes-vous Bordelais d’origine ?

Oui et non. Je suis né au Mexique, où mes parents étaient expatriés, mais nous sommes rentrés en France peu après ma naissance. Cela dit, cette ouverture à l’international est restée : j’ai toujours été attiré par les langues et les cultures étrangères — je parle d’ailleurs plusieurs langues. J’ai grandi à 500 m du Château Pape Clément.
En revanche, mon parcours est très ancré localement. J’ai fait un Bac+2 à l’IUT de Bordeaux, où j’ai ensuite travaillé comme responsable communication. C’est à ce moment-là que j’ai appris à structurer un message, à convaincre, à vendre des idées. J’ai ensuite évolué dans différents projets liés au sport, et ce sont souvent les rencontres humaines qui ont guidé mes choix professionnels.

Avant de rejoindre Cadus, étiez-vous déjà dans le monde du vin ?

Pas directement. J’ai eu un parcours assez varié avec différents métiers durant lesquels j’ai accumulé des expériences et compétences. J’ai commencé dans le domaine du sport, notamment dans les partenariats et le marketing événementiel. Puis je me suis orienté vers le marketing et la communication au sens large. Juste avant la crise du Covid, j’étais directeur du développement de Congrès et Expositions de Bordeaux.
C’était une période très riche, où j’ai eu la chance de travailler sur des événements très divers comme le Jumping de Bordeaux, la Foire Internationale, ou encore Vinitech. Cela m’a permis de tisser des liens avec l’ensemble du tissu économique bordelais et celui du vin.
Et puis le Covid est arrivé. Cette période de pause forcée a été l’occasion de prendre du recul, de réfléchir à mes envies, à ma trajectoire. Je ne me voyais plus faire un job pour lequel je n’avais plus de convictions. Alors, je suis parti…
Peu de temps après, j’ai rejoint la tonnellerie Cadus.

Cadus : le savoir-faire tonnellier français

Comment devient-on directeur commercial dans une tonnellerie ?

C’est avant tout une histoire de rencontre, avec un homme à qui je dois beaucoup, Antoine de Thoury qui dirigeait Cadus, et cherchait quelqu’un pour développer la tonnellerie, notamment à l’international.

J’ai tout de suite eu envie de m’investir dans cette aventure.
Le nouveau PDG Benjamin Le Berre partage de très nombreuses valeurs avec moi et j’ai la chance que nous soyons complémentaires.

Comment fabrique-t-on concrètement un tonneau ?


C’est un métier d’artisan, au sens noble du terme. Tout commence par une sélection rigoureuse du bois — exclusivement du chêne français — que l’on laisse sécher à l’air libre pendant plusieurs années. Vient ensuite la fabrication avec toutes ses étapes, sans colle ni vis, uniquement par cintrage et feuillage. Le fond est ajusté au millimètre près, les cercles de maintien sont posés, puis vient l’étape clé : la chauffe. C’est elle qui va, entre autres choix techniques, façonner la signature aromatique du fût.
Le véritable défi réside dans la répétabilité du processus. Le bois, le grain, la chauffe : tous ces éléments doivent être parfaitement maîtrisés pour offrir une constance irréprochable à nos clients, qui recherchent une précision millimétrée.

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On pourrait parler d’un travail d’orfèvre, non ?

Complètement.


Et c’est la même chose côté clients. Le monde du vin traverse des défis majeurs — la consommation baisse, la concurrence augmente — mais il continue d’avancer, d’innover, de se réinventer sans jamais perdre ses racines.

À qui vendez-vous ces tonneaux ?


Notre cœur de métier reste le vin, même si nous avons récemment commencé à nous impliquer le marché des spiritueux ( le Cognac en particulier). Cela dit, c’est encore un univers très spécifique, avec ses propres codes.
Nos clients recherchent avant tout la précision, la régularité dans le profil aromatique des fûts, et un véritable dialogue avec leurs fournisseurs. Être à l’écoute de leurs attentes et proposer des solutions personnalisées est au cœur de notre démarche.

Justement, que recherchent les clients qui optent pour des tonneaux haut de gamme ou sur mesure ?


L’équation pour résoudre une demande d’un client est parfois longue et complexe. Mon métier est d’y répondre. Son vin est unique, la prunelle de ses yeux et nous mesurons chaque jour notre responsabilité.
Il y a aussi une dimension esthétique. Pour une cuvée spéciale ou un grand cru, les finitions jouent un rôle important : gravures personnalisées, cerclages particuliers, finitions soignées… Cela participe à l’image du domaine et à la valorisation du produit.

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Il existe beaucoup de tonnelleries en France ?

Les droits de douane imposés par Donald Trump vont-ils avoir un impact ?

Oui, un impact direct et fort. Toute la filière viticole, à Bordeaux comme ailleurs, est dans une posture d’observation, mais aussi de réflexion : comment continuer à avancer malgré ces incertitudes ? Comment se réinventer ? Comment trouver de nouveaux débouchés ?

Le contexte international peut évoluer très vite, et nous devons rester vigilants. Chaque pays a sa propre économie, ses propres conjonctures politiques, sociales, culturelles et nous devons composer avec chacun des paramètres.

Engagement local : Cadus et le Stade Bordelais Rugby

Pourquoi avoir choisi de vous associer au Stade Bordelais Rugby ?


Et puis, c’est aussi un clin d’œil personnel : j’ai toujours eu une affection particulière pour ce sport et mes enfants ont joué au Stade Bordelais !!

Et concrètement, qu’en retire Cadus ?

Ce partenariat est avant tout une source de fierté : celle de soutenir un club local, de contribuer à faire vivre un écosystème auquel nous croyons. Nous ne sommes pas philanthropes et le réseautage est aussi un exercice inhérent à notre métier, surtout à Bordeaux ! Mon métier est de vendre des barriques !

les recos d'Atypical

ses rubriques atypiques

007 in Bordeaux

Allez partons dans un délire ! Un scénario pour le Prochain Mission Impossible ! Je vois bien une organisation mafieuse internationale décidée à saboter l’image des grands vins de Bordeaux en empoisonnant les cuvées les plus prestigieuses… Le tout lors d’un dîner secret réunissant les décideurs de la planète dans un grand château de la région.

Bordeaux en 2050

Je suis convaincu que la culture résistera à l’épreuve du temps. Bordeaux restera, j’en suis sûr, une ville où il fait bon vivre. Une ville qui réussit à mêler tradition et modernité, avec cet état d’esprit positif, cette douceur de vivre si particulière. Le Monde d’aujourd’hui va parfois trop vite et je reste persuadé, c’est mon éducation, qu’il faut écouter les anciens… Ils en ont vu d’autres !

Missing in Bordeaux

Franchement… pas grand-chose !
Mais s’il fallait vraiment rêver un peu, j’aimerais bien une piscine à vagues artificielles pas loin de Lacanau et un titre du Top 14 pour l’UBB !

C’était mieux avant ….ou pas

Ah, vaste question ! Je peux être un grand nostalgique, surtout de l’insouciance de mes 16 ans. Est-ce que c’est la vie qui était meilleure, ou simplement notre regard sur elle à cet âge-là ? Difficile à dire. Ce qui est certain, c’est qu’il faut savourer chaque instant, parce que le temps passe à une vitesse folle. Le passé a ses charmes, mais le présent mérite d’être pleinement vécu.

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