17 janvier 2025 – Bordeaux
Si vous deviez vous résumer en cinq dates ?
-2008 : Entrée à St Cyr
-2013 : Mon Mariage
-2018 : Reconversion professionnelle chez Cultureespaces
-2021 : Arrivée à la direction des Bassins des Lumières à Bordeaux
Je réfléchis mais je crois que je n’ai pas encore de 5ème date !
DIRECTION DU BASSINS DES LUMIERES
Quel est exactement le rôle du directeur des Bassins des Lumières ? Est-il similaire à celui d’un directeur de musée classique, ou y a-t-il des spécificités propres au lieu ou à la dimension numérique du musée ?
Mon rôle est assez proche de celui des directeurs d’autres musées. Il consiste à encadrer des équipes (commerciales, audiovisuelles, accueil-billetterie-boutique, réceptions-privatisations, maintenance, restauration…) afin d’assurer un accueil optimal des visiteurs tout au long de l’année et de leur offrir une expérience de visite immersive et aboutie.
Ma mission inclut également des interactions avec l’écosystème local bordelais : représenter le site auprès des institutions, collaborer avec d’autres acteurs culturels et tisser des partenariats.
Cependant, la principale différence avec un musée traditionnel réside dans l’absence d’œuvres physiques aux Bassins des Lumières. Ce n’est pas l’objectif de notre musée, qui est entièrement dédié aux arts numériques. De plus, en raison de la nature de la base sous-marine, la conservation d’œuvres physiques y serait extrêmement complexe.
Enfin, la production de nos expositions numériques est assurée par une entité dédiée, Culturespaces Studio.
Quel est le statut des Bassins des Lumières, notamment par rapport à Culturespaces ?
Les Bassins des Lumières fonctionnent dans le cadre d’une Délégation de Service Public. Culturespaces, acteur privé majeur dans la gestion et la mise en valeur de lieux patrimoniaux, en est le gestionnaire. En tant que directeur, je suis employé par Culturespaces, et notre mission consiste à exploiter un centre d’art numérique au sein de la base sous-marine, propriété de la Ville de Bordeaux.
La base sous-marine compte 11 alvéoles, initialement conçues pour accueillir des sous-marins. Avec Culturespaces, nous exploitons 4 alvéoles, les plus grandes, qui représentent près de la moitié de la superficie totale.
Le reste est utilisé par la Mairie de Bordeaux, notamment pour le stockage et le recyclage de décors de théâtre, entre autres usages.
Comment se déroule une Délégation de Service Public pour un espace comme la base sous-marine ?
La délégation de service public a été attribuée à Culturespaces dans le cadre d’un appel d’offres rigoureux. Nous avons obtenu le droit d’exploiter les 4 alvéoles de la base sous-marine pour une durée de 17 ans, en contrepartie d’une redevance versée à la mairie. Cette durée relativement longue s’explique par les investissements massifs nécessaires à la transformation de la base en un espace dédié aux Bassins des Lumières.

Comment choisissez-vous les thèmes des expositions ?
Chaque année, un comité de programmation de Culturespaces se réunit pour sélectionner les thèmes des expositions, souvent deux à trois ans à l’avance.
Ce processus prend en compte plusieurs critères :
• Les attentes des visiteurs : Nous réalisons des sondages pour comprendre leurs envies.
• Les événements ou anniversaires artistiques : Nous vérifions si une année particulière coïncide avec un anniversaire marquant pour un artiste ou un mouvement.
• L’offre culturelle locale : Nous veillons à ne pas choisir un thème déjà largement exploré par d’autres acteurs de la région.
• Les droits d’auteur : Nous obtenons les autorisations nécessaires auprès des ayants droit, ce qui peut parfois être long.
• Le volume d’images disponibles : Nous avons besoin de 700 à 1 000 images pour créer une exposition couvrant les 13 000 m² de surface de projection.
• La qualité des images : Les fichiers doivent être en très haute définition pour garantir une projection optimale. Si les images ne sont pas disponibles dans ce format, nous devons en produire de nouvelles.
Ce processus minutieux nous permet de concevoir des expositions immersives et innovantes, en phase avec les attentes de notre public et les exigences des différents lieux (Culturespaces a plusieurs musées dédiés à l’art numérique dans toute la France).
Existe-t-il un dilemme entre le désir d’attirer un large public, avec des thèmes consensuels, et l’envie de prendre des risques avec des sujets moins accessibles ?
Comme mentionné précédemment, le choix des expositions est un exercice délicat. Nous cherchons à proposer des thématiques qui se renouvellent tout en restant accessibles au plus grand nombre.
La devise de Culturespaces, « Partager la Culture », reflète notre ambition : il ne s’agit pas de traiter de sujets très pointus ou de niche, réservés à un cercle restreint d’initiés, mais plutôt de reconnecter les visiteurs à l’Art sous une forme différente, plus universelle.
Pensez-vous que l’aspect ludique des Bassins des Lumières permet d’attirer un public qui ne fréquenterait pas les musées traditionnels ?
Absolument, et nous en avons la confirmation à travers les retours réguliers de nos visiteurs et les sondages que nous réalisons. Les centres d’art numérique répondent à une demande croissante de découvrir l’Art et la culture autrement, au-delà de leur présentation classique dans les musées. Ils offrent une expérience immersive, sensorielle, musicale et esthétique qui s’adresse à un large public, y compris les plus jeunes.
Notre démarche vise à démocratiser l’accès à l’Art, dans un contexte où près de 75 % de la population ne visite pas les musées traditionnels.
Nous considérons nos expositions comme complémentaires à celles des musées classiques : elles peuvent constituer une porte d’entrée vers l’Art pour des publics moins familiers des expositions traditionnelles. Beaucoup de nos visiteurs nous disent, après leur passage, avoir envie de découvrir les œuvres originales dans leur cadre d’exposition habituel.
Par ailleurs, dans un contexte où le transport des œuvres devient de plus en plus coûteux et complexe, nos expositions numériques permettent au public d’accéder à des chefs-d’œuvre de façon unique et qualitative, sans avoir à se rendre, par exemple, au Kunsthistorisches Museum de Vienne pour admirer Klimt ou au musée Van Gogh d’Amsterdam.

Est-il de votre responsabilité d’assurer la rentabilité financière du lieu, comme pour toute entreprise ?
Oui, bien sûr.
Comme toute société, il est impératif que nous soyons financièrement viables. Ne bénéficiant d’aucune subvention ou aide externe, une rentabilité minimale est essentielle pour garantir la pérennité de l’activité sur le moyen et long terme. Sans cela, nous ne pourrions ni nous développer, ni améliorer continuellement la qualité de nos offres.
Les Bassins des Lumières seront-ils toujours exclusivement dédiés à l’art numérique, ou pourrait-on imaginer des expositions plus traditionnelles ?
La vocation première des Bassins des Lumières est d’être un centre d’art numérique, et aucun changement n’est prévu dans ce domaine. Comme mentionné plus tôt, les caractéristiques du lieu – notamment son environnement très humide – rendent la conservation d’œuvres physiques extrêmement difficile.
L’exposition actuelle, L’Égypte des pharaons, aborde un thème classique. Comment réussit-on à rendre ce sujet innovant ?
La thématique de l’Egypte, bien qu’ « à la mode », offre une source d’inspiration particulièrement vaste puisque c’est une civilisation mythique qui s’étend sur plus de trois millénaires. Les possibilités de traiter ce thème sont quasi intarissables.
Cette création propose de redécouvrir l’Égypte des pharaons à travers ses chefs d’œuvres : peintures, bas-reliefs, fresques, papyrus, bijoux, sculptures monumentales, beautés architecturales. On y retrouve « le temps des Homme » mais aussi celui des Dieux. Comme pour toutes nos créations, des directeurs artistiques spécialisés en histoire de l’Art supervisent la conception des expositions.
Pour L’Égypte des pharaons, nous avons également collaboré avec un égyptologue, afin d’assurer une rigueur historique et une immersion totale.

La photo est fournie par le musée des Bassins des Lumières.
PARCOURS PERSONNEL
Vous avez fait Saint-Cyr et mené une carrière militaire. Comment passe-t-on de l’armée à l’Art ?
Effectivement, cela peut sembler surprenant au premier abord. Pourtant, j’ai toujours eu un attrait fort pour le patrimoine, l’Art et la culture. J’ai eu la chance de pratiquer la musique en conservatoire, de visiter de nombreux musées et sites patrimoniaux, aussi bien en France qu’à l’étranger.
Après dix ans dans l’armée, où j’étais capitaine, j’ai ressenti le besoin de changer de voie. Ce furent des années passionnantes, mais c’est une carrière exigeante, notamment pour la vie de famille. Vous seriez étonné de voir le nombre de mes camarades de Saint-Cyr qui se reconvertissent dans des domaines parfois inattendus ! J’ai, par exemple, un ami qui a quitté l’armée, repris des études et est devenu médecin.
Pour ma part, me rapprocher du monde culturel s’est fait naturellement lorsque j’ai décidé de changer de carrière. J’ai eu l’opportunité d’intégrer Culturespaces, dont la mission – rendre la culture accessible au plus grand nombre – correspondait parfaitement à mes aspirations. Mon parcours atypique a été perçu comme un atout dans une structure comme celle-ci. Je partage entièrement leur devise, « Partager la culture ».
C’est une chance de pouvoir connecter ou reconnecter les gens à l’Art, de transmettre la beauté, d’avoir un rôle éducatif et de continuer à exercer un métier porteur de sens.

Vous viviez à Paris avant de rejoindre Bordeaux en 2021. Quelle est votre impression sur cette ville ?
J’aime beaucoup Bordeaux et de manière générale je suis très attaché au Sud-Ouest. J’ai des liens familiaux maternels très présents entre le Béarn, les Landes et le Pays Basque. Bordeaux est une ville à taille humaine avec un patrimoine historique exceptionnel, un terroir riche et gourmand, et la nature ainsi que la mer à proximité. C’est une ville où il fait bon vivre, et je m’y sens très heureux.