23 janvier 2025 – Base 106 Mérignac
Parcours personnel
Si vous deviez vous résumer en cinq dates ?
- 1996 : Ma naissance
- 2018 : Mon engagement dans l’armée
- 2019 : Intégration de l’école du génie à Angers pour ma spécialisation.
- Mi-2019 : Arrivée sur la base aérienne 106 à Mérignac et premiers chantiers en France
- 2020 : Première « projection » en opérations extérieures.
Comment se passe l’engagement dans l’armée ?
Lorsqu’on s’engage, on commence par ce qu’on appelle les « classes » : quatre mois de formation militaire et physique à la base aérienne de Rochefort. J’ai alors signé un contrat d’engagement de six ans.
Après les classes, vient le choix d’une spécialité. Je voulais intégrer les infrastructures du bâtiment, un domaine enseigné à l’école du génie d’Angers. J’y ai donc suivi quatre mois de formation intensive. Je savais que j’allais apprendre énormément, mais je n’imaginais pas à quel point ! Nous avons abordé tous les corps de métier du bâtiment : maçonnerie, peinture, plomberie, etc., aux côtés de militaires et de civils. C’était extrêmement stimulant.
Pendant les classes et la spécialisation, nous sommes notés, et notre classement détermine le choix de notre affectation. Lors d’un grand amphi de sélection, chacun choisissait sa base en fonction de son rang, du meilleur au moins bon. J’ai obtenu celle que je voulais : la base aérienne 106 de Mérignac, car je savais que je voulais rejoindre l’Escadre Aérienne d’Appui aux Opérations.

Qu’est-ce qui vous a donné envie de rejoindre l’armée ?
J’ai d’abord fait des études d’architecture, mais j’ai toujours eu en moi l’envie d’être militaire. Mon père et mon grand-père l’étaient aussi, même s’ils ne m’ont jamais poussé dans cette voie.
Après ma licence d’architecture, j’ai ressenti le besoin de m’engager. Je ne voulais pas d’un travail routinier. Mon histoire familiale a sans doute joué, mais c’est surtout le sens du devoir qui a été déterminant. Depuis tout petit, je ressens cet attachement à l’idée de défendre la France.
C’est une évolution que je vois plutôt positivement : cela favorise des enfants sociables et curieux. Mais globalement je trouve toujours que les enfants sont l’image de l’époque. Après j’ai toujours eu la chance d’avoir des directions qui ont facilité tous les échanges et les projets, dans nos métiers cela joue un rôle important d’avoir une direction qui valorise le travail des enseignants.
Quel souvenir gardez-vous de votre enfance avec votre père militaire ?
Paradoxalement, c’est surtout son absence dont je garde le souvenir. Mais cela faisait partie de son métier, et j’éprouvais beaucoup d’admiration pour son engagement et ses déplacements.
Comment évolue-t-on en grade ?
L’évolution dépend de plusieurs critères :
Les évaluations annuelles : elles portent sur plusieurs aspects :
Les performances physiques (course à pied, pompes, natation, etc.).
Les compétences techniques liées à la spécialité.
L’ancienneté, qui joue également un rôle dans la montée en grade.
Grâce à ma licence en architecture et à mes résultats aux évaluations (tant physiques que militaires et techniques), j’ai pu intégrer l’armée au grade de sergent.
Le niveau d’études : en fonction de votre diplôme et de vos résultats aux évaluations lors des classes et de la formation de spécialité, vous intégrez l’armée à un certain grade. Dans l’armée de l’Air et de l’Espace, il existe trois grandes catégories : Militaires techniciens de l’Air, Sous-Officiers et Officiers.
Les pompes ? Comme dans les films ? et la natation, ça vous sert vraiment ?
Eh oui, les pompes ! L’endurance est primordiale. Quant à la natation, pour moi, c’est plus de la survie que du sport ! Je ne suis pas très bon, mais c’est justement un moyen de travailler le mental face à la difficulté.
Lors de notre entretien, la responsable communication de la base me confie avoir fait le cross mensuel de 6 km ce matin-là. Sur le ton de la plaisanterie, je lui demande si c’est obligatoire.
Le sergent-chef me répond, très sérieusement :
« Oui, c’est obligatoire. Disons que si vous êtes un excellent sportif, vous pouvez parfois vous en dispenser. Mais pour ceux qui ont plus de difficultés, la participation est exigée. »

Quel est le salaire moyen d’un sergent ?
Un sergent célibataire touche environ 1 600 € net, hors primes. Ensuite, des majorations sont appliquées en fonction de la situation familiale (conjoint, enfants).
Lors des missions en métropole, nous recevons également des primes pour couvrir les frais de déplacement. En opérations extérieures, le salaire est multiplié par 1,5.
De plus, j’ai une chambre sur la base, et nous bénéficions de tarifs préférentiels sur les transports, par exemple pour rentrer chez moi dans le Nord de la France le week-end.
L’Escadre Aérienne d’Appui aux Opérations
Vous êtes actuellement Sergent-Chef au sein de l’Escadre Aérienne d’Appui aux Opérations. Quelle est la mission de cette unité ?
L’Escadre a pour mission d’appuyer le déploiement des forces aériennes en installant les infrastructures essentielles à une base aérienne projetée.
Ces installations comprennent notamment des structures de stationnement et de maintenance pour les aéronefs, des dispositifs de défense (postes de combat, miradors, clôtures, barbelés, etc.), des unités de production et de distribution d’énergie et d’eau potable, ainsi que des structures modulaires pour l’accueil des bureaux et des logements.
Concrètement, lors d’une mission extérieure, nous sommes les premiers à arriver et les derniers à repartir. Nous devons bâtir une base complète à partir de rien, dans des environnements parfois hostiles.
Si vous arrivez dans un pays où il n’y a aucune infrastructure, par quoi commencez-vous, ça se passe comment les premières heures ?
La priorité absolue est la sécurisation du site. Selon les situations, nous pouvons être accompagnés par d’autres unités spécialisées dans la protection. Une fois la sécurité assurée, nous lançons la construction des infrastructures essentielles : logements, accès à l’eau potable (grâce à la spécialité de forage, spécialité unique dans toutes les armées, récemment acquise par l’unité), et installation des groupes électrogènes.

Quel est précisément votre rôle au sein de l’Escadre ?
Je suis chef de chantier. J’encadre des équipes composées de maçons, spécialistes du forage, carreleurs, peintres, etc. Cette année, je passe d’ailleurs mon diplôme de conducteur de travaux.
Mon rôle, que ce soit en opérations extérieures ou sur un chantier en métropole, consiste à organiser une équipe et à mener à bien les constructions nécessaires dans les délais impartis. Cela implique à la fois un travail de management et des responsabilités opérationnelles sur le terrain.
Les opérations extérieures
Quelle est la durée moyenne d’une mission en opération extérieure ?
En général, une mission dure de deux à quatre mois.
Comment concilier vie de famille et missions en opération extérieure ? Pouvez-vous communiquer avec vos proches ?
Oui, nous pouvons communiquer. Une fois sur place, nous avons accès à un e-mail et au Wi-Fi, ce qui permet de garder le contact.
A-t-on le droit d’avoir peur et de refuser de partir ?
Je ne parlerais pas forcément de peur. Les opérations extérieures sont au cœur de notre mission : si ce n’était pas un environnement dans lequel on se sentait à l’aise, on n’aurait sans doute pas rejoint cette unité.
Cela dit, il arrive que pour des raisons personnelles, un militaire ne puisse pas partir sur une mission spécifique. Nous avons la chance d’être nombreux et de disposer d’un panel de compétences variées, ce qui permet d’organiser les départs en respectant autant que possible les souhaits de chacun. D’une manière générale, il y a toujours une fierté à être déployé.
Cette semaine, par exemple, une mission a dû partir le jeudi après avoir été prévenue seulement le lundi. Personne sur la base n’était au courant à l’avance, et cela a mobilisé de nombreuses unités en urgence. Ces délais très courts sont fréquents dans notre métier.
Vous préférez le chaud ou le froid ?
Jusqu’à présent, je n’ai connu que la chaleur ! Mais l’humidité et la chaleur étouffante sont extrêmement éprouvantes physiquement.
Base 106
Combien de personnes travaillent sur la base 106 ? S’agit-il uniquement de militaires ou y a-t-il aussi des civils ?
La base aérienne 106 compte près de 3 000 soldats, dont 28 % de femmes. Parmi eux, 2 300 sont aviateurs. La base accueille à la fois des militaires et des civils, qui travaillent ensemble au sein des différentes unités.
Les militaires résident-ils sur la base ou dans des logements privés ?
Des logements sont disponibles sur la base pour les soldats. J’y dispose par exemple d’une chambre.