8 mars 2025 – Bordeaux
Bonjour Œstrogène, merci beaucoup d’avoir accepté cette interview exclusive en cette journée spéciale.
Je vous en prie, mais permettez-moi de préciser d’entrée de jeu : je ne suis pas certaine que ma présence soit des plus pertinentes aujourd’hui. Une fois encore, on va m’accuser de monopoliser l’attention, de réduire les femmes à leurs hormones…alors qu’on parle ici de droits.
Mais bon, puisque je suis là, autant en profiter pour donner la parole à toutes mes consœurs hormonales dont je suis la représentante officielle.
Quelle est la partie de votre job que vous préférez ?
Sans hésiter, mon rôle à l’adolescence. C’est une véritable récréation ! D’abord, on ne s’attend pas toujours à nous.
Et ensuite, on fait tout : l’humeur, la croissance, le cycle, les poils, les seins ! On fait pousser des seins, quand même ! Imaginez le pouvoir : sans nous, les femmes ne ressembleraient pas du tout à ce qu’elles sont.
Tous les attributs féminins, c’est notre œuvre. Franchement, c’est grisant. C’est ce que je préfère dans mon job, quand je fais à ce point la différence.
Justement, comment vous décidez de ça ? Parce que, vu de l’extérieur, la répartition des bonnets semble… un peu inégale.
Ah, ça, ce n’est pas de notre ressort !
Pour les seins, on suit des fiches prédéfinies par la hiérarchie. Bernardette Dubois, 85A. Sophie Truc, 95C. Nous, on applique, c’est tout.
Et quand un corps hôte n’est pas content, il peut toujours râler, mais nous, on obéit aux consignes. C’est de la pure génétique, pas du favoritisme !
Et dans le corps masculin, c’est quoi votre rôle ?
Écoutez, je ne veux pas critiquer mes collègues, mais honnêtement… être une œstrogène dans un corps d’homme, c’est un peu le placard. Disons que ce ne sont pas les couteaux les plus aiguisés du tiroir quoi!
Faites une recherche Google sur « rôle des œstrogènes chez l’homme », et bam, la douche froide : aucun rôle particulier. Voilà, c’est dit. Du coup, dans ce contexte, il y a deux profils d’œstrogènes : les feignantes et les fouteuses de merde. Parce que quand on décide de semer le chaos, là, c’est le festival : difficulté d’érection et tutti quanti. J’en connais certaines que ça fait marrer mais bon ce n’est pas vraiment prendre le job sérieusement et ça ne fait pas honneur à la profession.
Quelle est votre relation avec la testostérone ?
Franchement ? Frustrante. Déjà, une partie d’entre nous est directement issue de la famille des testostérones, donc c’est un peu consanguin. Ensuite, dans le corps des hommes, on cohabite mais personne ne nous calcule. Et dans le corps des femmes, on devrait travailler main dans la main…
Sauf que, comme d’habitude, la testostérone prend toute la couverture à elle : « Moi, je brûle les graisses ! Moi, je maintiens la masse musculaire ! » Nanani Nanana ! Et nous, on prend tout dans la figure : les sautes d’humeur, les migraines, les problèmes de peau… Alors oui, un peu ras-le-bol.
On a l’impression que vous en avez gros sur la patate ?
Ouais je crois que le métier est trop peu reconnu. On nous rend responsable de tous les maux des êtres humains : sautes d’humeur, douleurs, migraines, problèmes de peau, problèmes de poids.
Non mais ça va hein ! Faut pas non plus abuser, je crois que les êtres humains ne s’assument pas assez. Rien n’est jamais de leurs fautes. « Je suis de mauvaise humeur ? » Ce sont mes hormones ! « Je suis moche ? » Ce sont mes hormones ! « J’ai une mémoire de poisson rouge ? Je perds des muscles et je suis grosse ? C’est de la faute de bibi ! Non je ne crois pas non !
Comment avez-vous vécu l’arrivée des hormones de synthèse ?
Au début, la profession a hurlé au scandale, mais bon… on ne pouvait pas vraiment manifester. Finalement, c’était une bonne chose : ça a permis aux gens de réaliser à quel point on est essentielles. Curieusement, dès qu’ils ont pu nous acheter en pilule, ils ont compris notre importance. Et puis ça a levé certains mythes. Par exemple, les femmes hystériques qui hurlent parce qu’elles n’aiment pas la nouvelle version de Windows ou parce qu’elles supportent pas leurs gosses ? Elles ont cru que c’était de notre faute. Et puis elles ont pris un traitement… et devinez quoi ? Elles sont restées aussi chiantes. Tout n’est pas de notre faute je vous dis !
Et si vous n’aviez pas été une hormone sexuelle féminine, vous auriez voulu faire quoi ?
Moi ? J’aurai voulu être un virus. Un virus mortel qui mute. On voyage, on parle de toi partout et tout le temps, tu fais la une des journaux, on te redoute, tu es respecté. On t’aime moins certes, mais ton travail est vraiment reconnu. Ça laisse place à de la créativité, tu peux te réinventer en permanence!
Tu n’es jamais vraiment là où on t’attend, et puis y’a pas vraiment de médicament pour lutter contre toi ! Non, je ne veux pas paraitre ingrate, œstrogène c’est bien c’est utile mais Virus. Rien que le nom Virus c’est classe, c’est facile à écrire. Moi laissez tomber y’a pas une personne qui écrit mon nom correctement !
